LES MARTINES

L´une de notre première saisie fut celle des Martines. Nous avions reçu plusieurs plaintes et selon notre habitude nous sommes allées voir sur place si c´était vrai. Malheureusement c´était vrai. Les plaintes parlaient de beaucoup de choses horribles qui se passaient là-bas. (un cheval décapité, des chiens, privés d´eau et de nourriture, enfermés dans une camionnette…du trafic de drogue).

Nous avions dénoncé la situation plusieurs fois aux autorités compétentes et la saisie avait été ordonnée deux fois, mais malheureusement chaque fois que nous arrivions pour le sauvetage, les chevaux avaient disparu comme par enchantement. Il était évident que quelqu´un était au courant que nous allions venir. Mais finalement la troisième tentative fut la bonne et nous avons pu sauver ces pauvres chevaux.

En arrivant sur place, nous avons trouvé une espèce de petite arène de taureaux pleine de boue et de flaques d´eau stagnante de couleur verdâtre. Au milieu on pouvait voir 4 très jeunes poulains souffrant de malnutrition, une jument et un cheval, tous les deux à la robe grise. Un des poulains était couché par terre et quand nous nous sommes approchées, nous nous sommes rendu compte qu´il était mort. Nous décidâmes d´emmener les autres poulains, mais nous devions atteindre le camion qui se trouvait sur une hauteur à environ 400m de là, faute d´avoir pu s´approcher de l´arène. Ce fut un véritable chemin de croix car les poulains étaient tellement faibles qu´ils n´avançaient qu´à grand peine.

Nous avons dû lever chaque petit sabot de l´un d´eux pour l´aider à le faire avancer pas à pas. Ils finirent par arriver au camion et nous les avons littéralement portés à l´intérieur. Nous ne savions pas s´ils auraient la force de supporter le voyage. Tout était horrible et, de plus, en allant vers le camion nous avons vu une chèvre pendue à un poteau…

D´un côté, quand on vit une situation comme celle-là, on fait un effort suprême parce que tout, le site et l´ambiance sont tellement atroces et dantesques qu´on a du mal à croire que tant de cruauté existe dans un seul endroit. Plus rien n´a de sens. Ce sont des situations qu´il faut vraiment vivre soi-même, car je crois qu´il est impossible de transmettre cette sensation d´impuissance et de cauchemar. Mais d´un autre côté, on a l´espoir que ces animaux vont connaître une vie meilleure et qu´ils ne vont pas mourir sans savoir ce qu´est une main amie qui dispense caresses et friandises. Le plus important, à ce moment –là, est de leur offrir une seconde chance. Je regrette cependant qu´il ait fallu en arriver à ce cas aussi extrême pour résoudre le problème, car quelques chevaux sont morts avant que nous n´arrivions à sauver ces six-là (les premières plaintes déposées parlaient de dix chevaux).

Tous ces compagnons d´infortune furent emmenés au Refuge, où ils furent tendrement soignés par Leonor, sauf l´un d´entre eux qui fut envoyé directement à l´hôpital, car il se débattait entre la vie et la mort. Tous étaient des survivants.