lunes, 2 de febrero de 2009

La Maigrelette

Tout a commencé comme d´habitude par un appel téléphonique d´une dame qui prenait toujours le même chemin pour aller travailler. Elle nous dit qu´elle avait parlé avec la mairie de la commune et que personne ne s´intéressait à ce qu´elle disait. Elle était inquiète parce qu´elle avait vu dans un enclos deux juments très maigres, des chiens toujours attachés et, curieusement, elle ne voyait jamais les animaux en train de manger.

Nous avons demandé au SEPRONA d´aller voir sur place. Ils nous dirent qu´il y avait en effet les 2 juments plus un poney et un poulain tout deux squelettiques aussi. Nous avons donc eu l´occasion de faire connaissance avec les membres de ce SEPRONA, personnes véritablement dédiées à la cause animale et avec qui nous avons beaucoup travaillé par la suite.


Le lendemain matin nous sommes allées à la mairie munies des papiers tout préparés pour que puisse être signé l´ordre de saisie des animaux… mais nous ne savions pas que le propriétaire du terrain et des chevaux était la personne chargée de recueillir les chiens abandonnés de la commune, travail pour lequel la mairie le rémunérait. Il était donc, en quelque sorte, employé municipal.

Le secrétaire de mairie ne nous fit pas grand cas et nous dit que rien ne pouvait se faire jusqu´au lundi suivant, que le maire n´était pas là et que ça ne servait à rien de rester vainement à attendre.

Ce vendredi-là, la jument « Guapa » (une belle petite alezane qui portait bien son nom « Jolie ») tenait encore debout et tirait le cou pour grignoter quelques herbes en dehors de l´enclos.


Après notre visite-échec de la mairie, nous sommes retournées voir les chevaux et leur distribuer de la nourriture. Au moment où nous descendions de voiture, nous avons vu un véhicule en haut du chemin qui fonçait littéralement sur nous. Les mauvais présages et certaines expériences vécues nous firent remonter rapidement en voiture et refermer les portes à clef… le conducteur s´arrêta, descendit de son véhicule et se dirigea vers nous en gesticulant et en proférant des menaces. Nous avons baissé un peu les fenêtres pour tenter de le raisonner mais rien à faire, il commença à s´énerver pour de bon. Voyant son degré d´agressivité augmenter de minute en minute, nous avons opté pour mettre le moteur en marche et nous éloigner de cet individu furibond. Malheureusement les carottes, pommes et granulés, que nous avions apportés pour les chevaux, restèrent dans le coffre.


Le lundi suivant, donc trois jours plus tard, la « Guapa » était couchée par terre dans une

espèce de baraquement.

Pendant que Maria filait à la mairie pour faire ordonner d´urgence la saisie, je restai sur place avec les membres du SEPRONA.

Depuis combien de temps était-elle couchée par terre ? Nous savions par Oscar que le samedi après-midi elle se tenait encore debout. Un petit détail ici pour ceux qui ne le savent pas, les chevaux ne peuvent pas rester longtemps couchés car leurs poumons s´engorgent. Nous lui avons donc donné de tout petits morceaux de pommes et de carottes, elle essaya une dizaine de fois de se lever mais en vain, chaque fois elle retombait.


Pour moi ce moment a été le plus triste depuis les débuts d’Ade. Le fait de voir cette jument, dont les beaux yeux expriment l´envie de vivre à tout prix, retomber à chaque essai, m´a bouleversée à tout jamais.

Le vétérinaire nous dit que la seule solution était l´euthanasie parce que les perfusions ne serviraient à rien. De plus les agents de la Guardia civil (Police) avaient reçu un autre appel et ils nous dirent que c´était dangereux pour nous de rester sans leur protection et qu´il ne pouvaient pas rester à attendre que la jument absorbe ses 2 ou 3 bouteilles de sérum… mais le pire était que le vétérinaire insistait que la perfusion ne ferait aucun effet et que c´était perdu d´avance.

La triste décision fut donc prise, les muscles inexistants ne pouvaient plus supporter le poids du squelette et permettre à la jument de se lever.

Mon Dieu, quelle tristesse ! Même son immense courage ne servait plus à rien.

L´euthanasie ne fut pas simple, malgré les piqûres, son cœur n´arrivait pas à cesser de battre et l´angoisse visible dans ses yeux nous remplit le cœur de tristesse et de désespoir.

Maintenant, chaque fois que je revois des photos de cette jument, la Guapa, mes yeux se remplissent de larmes.

C´est certainement le moment le plus dur que j´ai connu depuis que je m´occupe de chevaux. Je continue à me demander comment les choses ont pu aller si loin, comment un maire, qui, selon la police, connaissait l´état désastreux dans lequel étaient ces animaux, ait pu empêcher une saisie et en arriver ainsi à la mort d´une jument qui aurait pu être sauvée.



Mais il fallait continuer notre tâche et sauver les autres, ceux qui se tenaient encore debout. Nous avons donc emmené le poulain Birdy, le petit poney Saif et la Flaca, une autre jument, âgée, qui supporta le voyage tant bien que mal. Arrivée au Refuge, elle se remit petit à petit et devint la vedette des lieux. Elle se prit d´amour pour Leonor, qu´elle suivait pas à pas, car elle n´était pas enfermée dans un enclos mais vivait en « zone libre » avec la brebis.

La Flaca (de son vrai nom May) se mêlait avec un plaisir visible aux visiteurs, écoutait avec patience toutes les explications que leur donnait Leonor sur les animaux du Refuge et se faisait caresser par tous. Mais elle savait bien où l´on gardait la nourriture et hennissait au besoin pour rappeler à Leonor que c´était l´heure du repas…

Elle nous a maintenant quittés après avoir vécu de nombreuses aventures, je cite maintenant quelques lignes écrites par Leonor :

« La Flaca nous est arrivée dans le pire état que puisse connaître un cheval, squelettique, avec une hanche cassée (depuis longtemps et heureusement ressoudée). Au moment où elle descendit du camion, nos regards se sont croisés et j´ai su qu´elle allait vivre, qu´elle voulait savoir ce que c´était de vivre en étant aimée et respectée.


Elle y a réussi pendant une année et cinq mois.

Elle ne se rendait jamais, son foie démoli à cause du manque absolu de nourriture lui provoquait des attaques fréquentes mais elle résistait … elle supportait les soins, les piqûres et les accès de fièvre qui auraient abattu n´importe quel autre cheval. Elle tombait souvent dans des postures les plus incroyables mais après d´interminables minutes de choc, elle réagissait et se relevait. La dernière fois, elle tomba dans la petite rivière et se fractura un antérieur…

Elle était prête à continuer à vivre même avec cette sale cassure due soit à l´ostéoporose soit aux séquelles de cette dure vie de misère, mais moi je l´aimais trop et je me suis forcée à prendre une autre décision pour elle. Bien qu´elle me suppliât de toutes ses forces de l´aider à se relever, je dus m´assoir près d´elle et la caresser pendant que le vétérinaire faisait son travail final tout en lui expliquant que cette fois-ci elle devait se rendre… J´ai connu beaucoup de chevaux, je les ai tous chéris de tout mon cœur mais c´est Flaca, « Cœur de Lion », la plus courageuse de tous, qui m´a fait verser les larmes les plus amères. »


Birdy

Mais ne nous laissons pas aller à la tristesse et regardons plutôt les photos des temps heureux que passa Flaca au Refuge ainsi que les photos des autres animaux qui furent sauvés le même jour et qui coulent des jours heureux dans leurs foyers d´adoption.


Saif

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